Un pilote de chasse français interné en Turquie en 1942 par Alain Bonnet
Il y a une dizaine années une petite archive d’un aviateur militaire, l’adjudant-chef Roger René, interné en Turquie en 1942 et 1943 a été dispersée.
Un pilote français interné à Ankara au même titre que les marins civils et militaires le furent en mer de Marmara et au camp d’Isparta ?
Bertrand Sinais nous a fourni une explication, reprise par Jacques Perruchon (1) et des sites marcophiles : « Après la conquête de la Syrie par les forces anglaises et les FFL la convention de St Jean d’Acre fut signée le 14 juillet 1941. Elle laisse aux forces françaises fidèles à Vichy le choix de rejoindre la France libre ou de rentrer sur le sol français. Les 11 aviateurs de l’escadrille de chasse voulurent rentrer en France mais lors de leur escale en Turquie, ils y furent retenus. »
N’y aurait-il pas une autre explication ?
En septembre 1939, René ROGER, pilote instructeur, fut muté au GC.III/3 (groupe de chasse) où il obtint 4 victoires homologuées pendant la bataille de France. Après l’armistice il fut affecté au GCII/3 stationné à Alger-Maison Blanche. Le 14 juin 1941 le GC II/3 est envoyé en Syrie pour renforcer l’armée de l’air loyaliste (Vichy). Au cours du trajet, qui conduit l’escadrille à Ohms via Tunis Catane Brindisi Athènes et Rhodes, il est contraint le 15 juin à un atterrissage forcé en Turquie suite à une panne de son Dewoitine D520 (n°315). (2). Il ne put donc participer aux combats de la campagne du Levant. D’après Wikipédia (3) (malheureusement sans références) il aurait alors été affecté à l’ambassade de France à Ankara comme assistant de l’attaché militaire Air. Soupçonné de sympathies gaullistes, il aurait été interné d’avril 1942 à mai 1943 à Ankara. Libéré au bout de 13 mois d’emprisonnement, il rejoignit les Forces françaises libres du Moyen-Orient. Promu au grade de sous-lieutenant en février 1944, il poursuivit sa carrière au Levant. Il quitta le service armé en septembre 1945 et totalisait alors plus de 3 000 heures de vol. (5) (6)
Les 5 documents analysés sont datés d’avril 1942 à août 1942, oblitérés à Ankara, en franchise postale militaire, adressés à Alger, avec diverses marques de censure de la commission allemande de Vienne « g ».
Tous portent la mention manuscrite « service des belligérants internés » ou « Fransiz tayyareci enterne « (pilote français interné) .
Au verso on trouve 2 adresses différentes : Yeni Otel Ankara ou Karadeniz oteli Ankara.
Coll. personnelle
Coll. privée (4)
Plusieurs questions :
La date d’internement : dès son atterrissage en Turquie en juin 1941 ou courant 1942 et alors pour quel motif (politique comme cité dans Wikipédia) ?
Le lieu d’internement : des hôtels et avec quelles modalités ?
Est-il considéré comme prisonnier de guerre comme le laisserait supposer le bénéfice de la franchise militaire à la différence des marins internés dans la région d’Istanbul qui n’en disposaient pas, du moins jusqu’en juin 1942? (7)
Des lecteurs possédant d’autres documents de cette archive nous permettrons peut-être d’apporter des réponses.
Bibliographie
1- Jacques Perruchon : « internement en Turquie de marins français » CM2GM n°48 décembre 1998 p.24-28
2 – Essai de numérotation et d’affectations des DEWOITINE D.520 (Site de François-Xavier Bibert)
3 – Page Wikipédia de René Roger
4 – Histoire postale des militaires français prisonniers ou internés (Site Histoire postale de la France et des colonies (1939 – 1981).
5 – Archives SHAA – 2004 – © Joël Blanc consulté en 2020
6 – SHD Vincennes René ROGER, cote GR 16P 517524
7 – Claude Ablard : les marins et militaires français internés en Turquie à la suite de la guerre de Syrie (juin-juillet 1941). Les Feuilles Marcophiles n° 300 p.87-89
Commentaires récents