Le dernier jour du décime rural par Alain Trinquier

Dans sa vidéoconférence du 21 avril 2021 consacrée eu décime rural (atelier de la Poste en milieu rural), notre collègue Denis Pinhas disait n’avoir jamais vu de lettre avec le dernier jour d’utilisation du décime rural.

En fouillant dans mes boîtes, j’ai trouvé la lettre ci-dessous qui correspond à ce dernier jour.

C’est un pli sans texte qui porte la boîte rurale B (frappe très légère) du bureau de distribution de Colombey-les-deux-Églises. Elle est destinée à un notaire de Château-Villain.
Le distributeur de Colombey a appliqué sa marque cursive, le timbre à date du 31 décembre 1846 et le décime rural en rouge puisque la lettre provient d’une localité sans bureau de poste.

C’est donc bien le dernier jour d’utilisation du décime rural.
La lettre est taxée à 2 décimes (tarif du 1er janvier 1828 pour une lettre de moins de 7,5 grammes pour une distance de moins de 40 km à vol d’oiseau).

Mais les choses vont se compliquer ensuite.

Le distributeur transmet le pli à son bureau de rattachement, Juzennecourt, qui applique son timbre à date T15 du 1er janvier 1847.
Et, considérant sans doute qu’il fallait appliquer la loi du 3 juillet 1846 sur la suppression du décime rural à compter du 1er janvier 1847, il annule le décime rural d’un trait de plume.

Le pli est ensuite envoyé à Chaumont puis à Château-Villain qui appliquent au dos leurs timbres à date au type 13.

Ainsi donc, ce pli correspond à la fois au dernier jour d’application du décime rural et au premier jour de sa suppression !

Mais une question se pose : l’annulation du décime rural était-elle justifiée ?

A mon avis, non. En effet, la loi du 3 juillet 1846 indique : « À partir du 1er janvier 1847 la taxe de 1 décime sur les lettres recueillies ou adressées dans les communes où il n’y a pas d’établissement postal cessera d’être perçue. ».
Or cette lettre a été recueillie au plus tard le 31 décembre, avant la date fixée par la loi, et donc, en théorie, le décime rural devait toujours s’appliquer.